On pourrait presque manger dehors
"On pourrait presque manger dehors." La phrase vient toujours au même instant. Juste avant de passer à table, quand il semble trop tard pour bousculer le temps, quand les crudités sont déjà posées sur la nappe. Trop tard? L'avenir sera ce que vous en ferez. La folie vous poussera peut-être à vous précipiter dehors, à passer un coup de chiffon fiévreux sur la table du jardin, à proposer des pull-overs, à canaliser l'aide que chacun déploie avec un enjouement maladroit, des déplacements contradictoires. Ou bien vous vous résignerez à déjeuner au chaud - les chaises sont bien trop mouillées, l'herbe si haute...
Mais peu importe. Ce qui compte, c'est le moment de la petite phrase. On pourrait presque... C'est bon, la vie au conditionnel, comme autrefois, dans les jeux enfantins: "On aurait dit que tu serais..." Une vie inventée, qui prend à contre-pied les certitudes. Une vie presque à portée: à portée de la main, cette fraîcheur. Une fantaisie modeste, vouée à la dégustation transposée des rites domestiques. Un petit vent de folie sage qui change tout sans rien changer...
Extrait de La Première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules, Philippe Delerm
Ce midi, nous n'étions que deux, le soleil brillait et semblait nous rappeler que l'an passé nous avions déjà déjeuné dehors la première fois en janvier. On ne s'est pas posé la question très longtemps. Le premier déjeuner dehors, c'est toujours une fête! C'était très agréable, même si ce soir nous sommes bien emmitouflés au chaud à l'intérieur. Ce n'est encore que la chandeleur!